Depuis maintenant plus de huit années, les responsables de la Première Classe de l’École de Science de l’Esprit du Canada se réunissent une fois par an avec le Secrétaire général et les membres du Conseil. Ces rencontres se tiennent généralement à Toronto, et elles ont été conçues dans le but de renforcer le travail anthroposophique au Canada. D’habitude, un ou deux représentants du cercle des responsables de Classe des États-Unis se joignent à cette réunion. Le thème suivant a été identifié dès septembre 2013 comme étant celui qui serait approfondi à notre réunion de janvier 2014 (et il a pu être préparé d’avance par les participants) :
De la pierre de fondation physique à la pierre de fondation spirituelle
Neuf années nous séparent du 100e anniversaire du Congrès de Noël. Comment préparer nos âmes à cet anniversaire? Comment participer comme Société au Canada à cette commémoration? En 1913 Rudolf Steiner a divulgué le contenu du Cinquième Évangile après avoir posé la Pierre de Fondation du premier Goethéanum. Ce geste et ces révélations ouvrent le chemin menant au Congrès de Noël. Leur compréhension, leur approfondissement peuvent guider nos pas sur la route à venir.
On a demandé à certains individus de préparer des présentations pour la rencontre de janvier 2014. On m’a demandé si j’accepterais de préparer une intervention sur le Cinquième Évangile. Je vous offre donc ici sous forme d’article le contenu de ma présentation.
Préparer nos âmes pour commémorer le centenaire du Congrès de Noël, cela offre aux anthroposophes la possibilité d’œuvrer ensemble en tant que collègues pour la Société, pour la terre, et pour l’évolution de l’humanité. Au cours des neuf prochaines années, nous pouvons devenir de plus en plus conscients de la signification de la pose de la Pierre de Fondation physique où en 1913 Rudolf Steiner a pour la première fois parlé des révélations du Cinquième Évangile. De là nous pouvons suivre l’évolution de cette impulsion qui mène à la pose de la Méditation de la Pierre de Fondation dans le cœur de tous ceux qui se trouvaient autour de lui lors du Congrès de Noël de 1923/1924. Une volonté commune mutuellement consentie peut renforcer notre volonté individuelle.
En m’appuyant sur les 13 conférences données par Rudolf Steiner à Oslo, à Berlin et à Cologne entre le 1er octobre 1913 et le 10 février 1914, ainsi que, entre autres textes, sur un chapitre du volume de Rudolf Grosse qui a pour titre The Christmas Foundation: Beginning of a New Cosmic Age (non disponible en traduction française), je me suis plongée dans l’étude du sujet. Une partie significative de ma recherche et de ma contemplation a été réalisée durant les 12 Nuits saintes de 2013/2014. Le Cinquième Évangile est d’une immense envergure. J’ai éprouvé un profond sentiment d’émerveillement et de vénération devant ce que Steiner a apporté à l’humanité en donnant ce qu’il a appelé « une sorte de Cinquième Évangile » ou « l’Évangile de l’esprit » ou encore « l’Évangile de la connaissance de l’esprit ». Je suis profondément reconnaissante d’avoir découvert l’orientation pratique qui émerge de ces textes. Je vous livre ici un aperçu du contenu de cet « Évangile de la connaissance de l’esprit ».
Lors de la pose de la Pierre de Fondation physique pour le premier Goethéanum, ainsi que lorsqu’il a donné les cycles de conférences déjà mentionnés, Rudolf Steiner a déclaré son intention de diriger l’attention de ses auditeurs sur les événements du Cinquième Évangile. Voici, sous une forme condensée, la conclusion de la deuxième conférence donnée à Cologne (18 décembre 1913). « Ces faits sont rapportés comme constituant une sorte de Cinquième Évangile. C’était mon intention de vous aider à trouver le sentiment juste, l’attitude intérieure juste par rapport au Mystère du Golgotha en vous racontant ces histoires tirées du Cinquième Évangile… Il est absolument nécessaire que la connaissance de tels faits soit amenée dans l’évolution terrestre à l’heure actuelle. Je me sens intérieurement dans l’obligation de communiquer ces choses, pourvu que les âmes humaines soient préparées à les recevoir. Il m’est extrêmement difficile d’en parler. Nos études de ces faits ont révélé peu à peu ce qui doit commencer à prendre vie dans nos âmes pour que nous puissions jouer un véritable rôle dans le déroulement de l’évolution humaine. Le sens de l’évolution de l’humanité sur terre, c’est que les âmes humaines deviennent de plus en plus conscientes de leur mission. Le Christ est venu. Son impulsion est véritablement agissante. Il deviendra de plus en plus essentiel que les hommes comprennent le Christ, qui est entré dans les corps de Jésus de Nazareth et, à travers ceux-ci, dans l’aura de la terre et dans l’évolution vivante de l’humanité. »
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Voici donc un bref survol du temps et de l’espace de la vie de Jésus de Nazareth tels que racontés dans ces conférences. Je le présente ici comme toile de fond, avant de diriger l’attention sur quelques aspects particuliers.
Rudolf Steiner nous offre des images de la vie de Jésus de Nazareth à partir de sa douzième année, le moment où le « ‘Je’ de Zarathoustra » est transféré dans l’âme de Jésus de Nazareth. Il exerce le métier de charpentier avec son père jusqu’à sa seizième ou dix-septième année. Jésus ressent une profonde douleur au moment où il découvre qu’il n’est plus possible aux grands maîtres juifs, qui suivent la tradition millénaire de l’Ancien Testament, d’entendre la voix de la révélation de l’esprit divin, voix qui leur était accessible par le passé. Approximativement à partir de l’âge de seize ans, et jusqu’à sa vingt-troisième année, Jésus voyage beaucoup, apprenant ainsi à connaître les hommes et les manifestations de la sagesse traditionnelle. À l’âge de vingt-quatre ans, lorsqu’il se trouve devant un autel païen, il reçoit la révélation de l’ancienne prière macrocosmique des Mystères. Il reconnaît alors comment la religion païenne est tombée en décadence. Lorsqu’il rentre à Nazareth, il se lie d’amitié avec les membres de la communauté des esséniens, et lorsqu’il découvre en les reconnaissant que Lucifer et Ahriman sont contraints de fuir les communautés esséniennes, il se demande : Où s’en vont-ils? Nous le voyons lors de sa trentième année dans une conversation profondément marquante avec sa mère, révélant à celle-ci ce qui habite son âme suite à toutes les expériences qu’il a vécues depuis sa douzième année. Avec ces paroles puissantes adressées à la mère, le « ‘Je’ de Zarathoustra » quitte les corps de Jésus. Celui-ci est comme poussé à retrouver Jean-le-Baptiste au Jourdain. En route, il fait trois rencontres importantes. Au Jourdain ont lieu le baptême par Jean et la descente de l’Esprit Saint où l’être du Christ pénètre dans les enveloppes physique, éthérique et astrale de Jésus de Nazareth. Jésus se sent ensuite attiré dans le désert où il subit les trois tentations de Lucifer et d'Ahriman. C’est à travers la tentation d’Ahriman que sera préparée la trahison de Judas et la mort sur la croix. Lors de la mort de Jésus, l’esprit du Christ s’unit à la Terre et à son évolution. Les apôtres font à la Pentecôte l’expérience de l’Esprit du Christ qui descend sur eux, un flot d’amour cosmique universel. Et c’est à partir de ce moment-là que l’impulsion christique commence à se répandre sur la Terre.
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Rudolf Steiner offre aux auditeurs de la deuxième conférence de Cologne des détails sur la méthode de recherche qui lui donne la possibilité de nous livrer les scènes et les histoires de ce Cinquième Évangile. Il décrit les étapes de cette méthode :
« J’aimerais vous donner une idée de ce que comprend ce qu’on peut appeler « la recherche occulte » qui rend possible de pénétrer dans des événements comme ceux que nous avons considérés hier. La toute première chose à dire, c’est qu’une telle recherche suppose la capacité de lire dans le Livre de l’Akasha… Il est essentiel que l’on se rende compte que dans son essence l’univers n’est constitué que d’états de conscience. J’ai décrit dans mon livre le Seuil du Monde spirituel comment la vision s’élève d’étape en étape au-dessus du niveau de conscience qui ne voit que les objets et processus matériels qui l’environnent… On arrive enfin à une région dans laquelle on ne trouve que des entités douées de différents états de conscience… »
Il parle de l’importance des êtres de la troisième Hiérarchie pour notre pensée, afin que nous puissions en devenir conscients dans notre quête vers l’acquisition d’une vision supérieure : « Initialement, les pensées existent dans notre conscience, mais elles n’existent pas que là… la totalité de notre monde de pensées est en fait pensée par des Anges… Pour parvenir à un niveau de vision supérieur, le mode de pensée que nous utilisons pour saisir le monde physique et l’existence sur terre ne nous sera d’aucune utilité. Pour atteindre une vision supérieure, il ne suffit pas de penser; il faut être pensé et savoir qu’on est en train d’être pensé… Il faut pouvoir ressentir comment la conscience claire des Anges surgit et agit en nous. Ceci vous donnera des aperçus sur les impulsions progressives de l’évolution – par exemple la vérité sur l’impulsion christique… Les Anges sont en mesure de penser ces impulsions; nous, êtres humains, pourrons les penser et les caractériser si notre attitude envers nos pensées en est une où nous les offrons aux Anges, leur permettant ainsi de penser en nous. Lorsque ceci devient une véritable expérience individuelle chez un être humain, on entre pour ainsi dire dans les pensées universelles de la vérité du Christ, ou dans d’autres pensées concernant la sage direction de l’évolution terrestre. »
Steiner continue : « Tout ce qui a rapport aux périodes individuelles de l’évolution de la terre est pensé par les Archanges. Vos pensées sont transportées à une période déterminée par un Archange. »
Et, en ce qui concerne les Esprits de la Personnalité, les Archaï : « Tout ce qui a rapport à la possibilité de pénétrer au cœur d’une expérience individuelle ne peut être étudié que lorsque les paroles : ‘L’âme s’offre comme nourriture aux Archaï’ ou encore ‘Vous vous laissez consommer pour servir de nourriture spirituelle aux Archaï’ – que lorsque ces paroles acquièrent pour vous une véritable signification…. Les êtres humains sont pour les Archaï ce que sont les grains de blé pour vous en tant qu’êtres humains. Cette connaissance doit être le résultat d’une véritable expérience et non pas une simple théorie; en ce qui concerne les Archaï, notre lien avec eux est comme celui d’un grain de blé qui serait conscient de se faire broyer par nos dents, se faire avaler dans notre gorge et ensuite se faire assimiler dans notre ventre et qui pourrait se dire : Je suis de la nourriture pour les êtres humains. De la même manière, nous devons être conscients de ceci : Je suis la nourriture des Archaï, je me fais digérer par les Archaï; ceci est leur vie, et je la vis en eux. L’analogie est absolument vraie, car votre âme doit être broyée, vous devez sentir cela. L’investigation dans les mondes supérieurs est impossible sans douleur et souffrance intérieures. »
En guise de conclusion, il dit : « Nous partageons alors de cette manière la conscience des Archaï, tout comme nous partageons la conscience des Archanges en sachant que les Archanges dirigent notre âme vers une période déterminée, et comme nous participons à la conscience des Anges lorsque nous nous rendons compte que nos pensées sont pensées par les Anges. »
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Steiner nous fournit des imaginations saisissantes, comme celle du grain de blé se faisant broyer sous nos dents, pour nous aider à sonder les profondes vérités qu’il révèle dans le Cinquième Évangile. En voici une autre : un individu animé d’un véritable sentiment de vénération pour l’occulte aborde le Mystère du Golgotha comme quelqu’un qui se promènerait furtivement autour d’un bâtiment fermé à clé, n’ayant qu’une très vague idée de ce qui se passe à l’intérieur. À un endroit donné se trouve une fenêtre, et à travers cette fenêtre il est possible d’entrevoir ce qui a lieu à l’intérieur. « Le Mystère du Golgotha est une telle fenêtre qui donne sur le monde de l’esprit. Cette image peut nous aider à voir que cet événement était l’affaire des Dieux. Les Dieux ont ouvert une fenêtre sur le ciel et pendant un moment ont mené leurs affaires devant le regard des êtres humains. »
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Les scènes qui suivent sont tirées du récit des voyages de Jésus de Nazareth entre l’âge de seize et vingt-quatre ans. Ils décrivent les circonstances relatives à sa prise de conscience de la prière primordiale : « Le Notre Père macrocosmique » et nous indiquent ce qui vivait dans son âme dans les années qui précédaient le Mystère du Golgotha.
Au début de cette époque, lors de sa seizième ou dix-septième année, Jésus avait déjà pris conscience de certaines choses qui lui causaient beaucoup de peine. Il avait appris de manière suprasensible comment la voix Bath-Kol, voix ancienne et source d’inspiration dans la tradition judaïque, avait perdu tout véritable lien avec la source primordiale de l’inspiration juive – Yahvé. Cela voulait dire que les savants juifs de la tradition du Vieux Testament n’étaient plus en mesure de recevoir à travers la voix Bath-Kol les révélations du Divin comme cela leur avait été possible dans le passé. La conscience humaine avait évolué, et les circonstances de l’époque ne permettaient plus ce lien avec le Divin. Cette découverte a rempli Jésus de tristesse et a fait que son âme soit pénétrée d’une vive peine.
Portant cette connaissance dans son âme, Jésus a beaucoup voyagé à l’intérieur et à l’extérieur de la Palestine. Le culte prédominant à l’époque dans le Proche-Orient et dans le sud de l’Europe était celui de Mithra. On avait pris l’habitude, dans les coutumes et les célébrations, de mélanger des rites mithriaques et attiques. Jésus a connu des pratiquants de ce culte païen et a assisté à leurs cérémonies. Grâce à ses facultés de clairvoyance, il percevait comment des esprits démoniaques étaient attirés par ces rites. Quelques-uns des symboles utilisés dans ces rites étaient en effet, et à l’insu des fidèles, des images de puissances démoniaques mauvaises. Il voyait comment ces puissances maléfiques entraient dans les fidèles. Le jeune homme souffrait amèrement de voir à quel point la gloire des anciens rites païens était tombée en décadence.
Dans les mots vivement descriptifs de Steiner : « Jésus de Nazareth parvint donc, dans la vingt-quatrième année de sa vie, dans un lieu de culte païen où des sacrifices étaient offerts à une certaine divinité. Mais, aux alentours vivait un triste peuple, frappé de toutes sortes de maux de l’âme qui atteignaient jusqu’au corps. Ce lieu de culte avait été depuis longtemps abandonné par les prêtres. Et Jésus entendait le peuple se lamenter : ‘Les prêtres nous ont abandonnés, la bénédiction du sacrifice ne descend plus sur nous, nous sommes lépreux et malades, dans la peine, accablés, parce que les prêtres nous ont abandonnés.’ Dans une douleur profonde, Jésus regardait ces pauvres êtres humains; ce peuple accablé lui faisait pitié et un amour infini envers ces êtres écrasés s’alluma dans son âme. Il faut que le peuple alentour ait perçu quelque chose de cet amour infini qui s’animait en lui, et qui doit avoir fait une profonde impression sur ce peuple en lamentations, abandonné de ses prêtres et, comme les gens le croyaient, de ses dieux aussi. Alors, d’un seul coup, aimerait-on dire, naquit dans les cœurs de la plupart de ces gens quelque chose qui s’exprima par des paroles manifestant qu’ils avaient reconnu sur le visage de Jésus l’expression de l’amour infini : ‘Tu es le nouveau prêtre qu’on nous envoie.’ ils le pressèrent d’aller vers l’autel païen où ils lui firent prendre place, et là ils attendaient, ils exigeaient même de lui, qu’il accomplisse les sacrifices, afin que la bénédiction de leur dieu descende à nouveau sur eux. » (Traduction : Éditions Triades)
Devant l’autel païen, Jésus de Nazareth est tombé comme mort. Son âme a été transportée, élevée dans les mondes spirituels comme s’il « pénétrait dans le royaume de la vie solaire. » De là, elle a entendu la voix Bath-Kol prononcer la prière toute-puissante de l’ancienne sagesse oubliée. Cette prière, Rudolf Steiner l’avait appelée « la prière macrocosmique primordiale » lorsqu’il l’avait donnée pour la première fois au moment de la pose de la Pierre de Fondation du premier Goethéanum. Dans sa conférence du 17 décembre 1913 à Cologne, Rudolf Steiner a donné la description suivante : « Jésus de Nazareth ressentait comment la prière renfermait, sous une forme extrêmement condensée, le secret de l’évolution humaine et des incarnations terrestres; et comment elle révèle les lois selon lesquelles l’être humain est descendu du macrocosme pour s’incarner dans un microcosme. » Steiner donne ensuite une note personnelle en disant que depuis le moment où il a eu connaissance des paroles de cette prière, elles se sont révélées remarquablement puissantes pour la méditation. Dans ses mots : « La puissance de ces paroles pour l’âme est tout à fait extraordinaire, et plus vous contemplerez ces vers, plus vous percevrez leur pouvoir. Si ensuite vous faites l’effort de les examiner de près et de les comprendre, vous découvrirez qu’ils résument en effet le secret de l’être humain et de la destinée de l’humanité. Vous comprendrez également comment, en renversant ces vers, est né le Notre Père microcosmique donné par le Christ à ses disciples. »
Lorsque dans sa vingt-quatrième année Jésus est rentré à Nazareth, Il a créé des liens avec la communauté des esséniens de l’endroit et a pu entretenir des échanges vivants avec ses membres. Grâce à leur vie « pure », ils se protégeaient contre Lucifer et Ahriman, dont l’influence ne pénétrait pas dans leurs communautés, et ils conservaient ainsi la possibilité de recevoir l’inspiration et l’orientation des Dieux. De ces esséniens Jésus a appris beaucoup de choses sur l’ancienne connaissance secrète des hébreux, et à l’âge de vingt-sept ans, il avait assimilé presque tout ce qu’ils avaient à lui offrir. Il a également vécu parmi eux d’importantes expériences suprasensibles. De retour à la maison, il méditait sur les pouvoirs qu’il avait ainsi reçus et sur les expériences marquantes qui avaient surgi dans son âme par rapport à la façon dont les esséniens vivaient dans leur communauté. Chez les esséniens Jésus avait créé des liens avec Jean-le-Baptiste, car Jean était à l’époque attaché à la communauté essénienne comme frère laïc.
Lors de sa trentième année, Jésus de Nazareth a eu une conversation significative avec sa (belle-) mère, conversation au cours de laquelle il a ouvert son âme pour parler des expériences qu’il avait vécues depuis sa douzième année. Il lui a raconté trois découvertes qui lui avaient causé de la peine et de la tristesse : la première : que ceux qui portaient la tradition judaïque n’avaient plus accès à la révélation divine de la voix Bath-Kol; la deuxième : son expérience de la déchéance de la religion païenne; et la troisième : l’expérience suivante vécue en lien avec la communauté des esséniens. En effet, voici dans ces mots tirés du Cinquième Évangile, comment Jésus a décrit pour sa mère ce qu’il avait vécu aux portes de la communauté des esséniens : « ‘Alors qu’un jour, après un entretien intime et important avec les esséniens, je quittais le lieu, je vis à la porte principale Lucifer et Ahriman qui s’enfuyaient. Depuis ce temps, ma chère mère, je sais que les esséniens, par leur mode de vie, par leur doctrine secrète, se protègent contre eux, de sorte que Lucifer et Ahriman sont obligés de fuir. Par là, ils les envoient vers les autres hommes. Les esséniens trouvent le bonheur de l’âme aux dépens des autres hommes; ils sont heureux parce qu’ils se préservent eux-mêmes de Lucifer et Ahriman!’ Par la vie menée auprès des esséniens, il savait maintenant : ‘Oui, il y a encore une possibilité de s’élever au niveau où on s’unit au divin spirituel, mais seuls quelques-uns peuvent y accéder aux dépens de la masse.’ Il savait maintenant que le lien avec le monde divin de l’esprit ne pouvait être apporté aux humains par la voie ni du judaïsme, ni du paganisme, ni non plus par celle des esséniens. » (Traduction, Éditions Triades)
À la fin de ce long entretien, la mère se trouve profondément transformée par la puissance des paroles de Jésus, le « Je » de Zarathoustra quitte les corps de Jésus avec ces paroles, et le « Je » infiniment ouvert du Jésus de Nathan (n’ayant aucune expérience de l’existence terrestre) réintègre alors l’âme de Jésus, préparant ainsi l’événement du baptême. Il est poussé par une impulsion intérieure à rejoindre Jean-le-Baptiste au Jourdain. En chemin, il fait trois rencontres significatives. Ces rencontres renvoient à des expériences préalables qui ont imprégné son âme de connaissance et de souffrance, et dans un certain sens elles sont une réponse à ces expériences. (Par exemple, aux deux esséniens qu’il rencontre sur son chemin : « Votre effort ne sert à rien, car vos cœurs sont vides; vous n’avez fait que les remplir de l’esprit qui couvre illusoirement l’orgueil et l’arrogance d’un manteau d’humilité. ») Au baptême réalisé par Jean, l’Esprit du Christ descend du ciel et entre dans les enveloppes physique, éthérique et astrale de Jésus de Nazareth, qui se sent alors poussé à errer dans le désert afin de vivre une confrontation avec Lucifer et Ahriman. Il sait que ce sont les deux entités avec lesquelles les hommes auront à lutter sur terre. Le Christ-Jésus subit alors les trois tentations : la première de Lucifer, la deuxième de Lucifer et Ahriman ensemble, et la troisième d’Ahriman seul. Cette troisième tentation est celle que le Christ ne sait pas résoudre en entier. Selon l’Évangile : « Si tu es le Fils de Dieux, ordonne que ces pierres soient changées en pain. » Jésus répond : « Les hommes ne vivent pas de pain seulement, mais de chaque parole qui sort de la bouche de Dieu. » Ahriman sait très bien que l’Esprit du Christ a besoin de l’expérience terrestre en tant qu’être humain pour pouvoir répondre complètement à sa tentation et libérer les hommes de son emprise. Dans les mots du Cinquième Évangile tels que rapportés par Rudolf Steiner : « Ahriman a répondu : ‘Tu as peut-être raison. Mais néanmoins le fait que tu aies raison dans une certaine mesure ne peut pas m’empêcher d’exercer du pouvoir sur toi. Tu ne connais que l’action de l’esprit qui descend des hauteurs. Tu n’as pas encore vécu dans le monde des hommes. Ici-bas, tu trouveras des hommes qui ont véritablement besoin de changer les pierres en pain. Ils ne peuvent absolument pas vivre d’esprit seulement.’ » Cet aspect non résolu laisse un chemin ouvert pour que le Seigneur de la Mort, Ahriman, puisse exercer son influence et préparer la trahison contre Jésus qui mène à la mort sur la croix.
Et le Cinquième Évangile se poursuit : « Il fallait que la question posée par Ahriman reste non résolue pour que se réalise l’idéal christique : que le Christ-Jésus se déverse graduellement dans l’évolution terrestre pour pénétrer lentement tout l’avenir de l’évolution de la Terre. Ceci ne pouvait pas se faire uniquement au niveau de l’âme. La totalité de l’évolution future de la Terre devait être imprégnée de l’Esprit du Christ! Ahriman avait le pouvoir d’imposer au Christ la nécessité de lier réellement Son Être à l’évolution de la Terre. En entrant dans l’individualité de Judas, Ahriman a pu provoquer la mort du Christ, et c’est par cette mort que l’essence du Christ s’est unie à l’essence de la Terre. L’acte de Judas était en fait l’accomplissement de la question d’Ahriman non résolue. (‘Ils ne peuvent pas vivre d’esprit seulement’). La tentation luciférienne avait pu être repoussée intérieurement, dans l’âme, et il incombe à chaque âme humaine d’accomplir cela individuellement. La nature d’Ahriman est autre et sera surmontée dans le cours de l’évolution humaine si les hommes s’ouvrent de plus en plus à l’essence du Christ et s’identifient à lui. »
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Voilà qui nous amène à méditer sur notre lien actuel avec le Christ vivant.
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Invitation aux lecteurs : je vous invite à faire part de vos réflexions et commentaires.
Judy King, avril 2014
Sources :
1. Rudolf Steiner : Le Cinquième Évangile (NDT : le volume en français des Éditions Triades contient les conférences données à Oslo et à Berlin, mais ne contient pas les conférences données à Cologne. Il paraît qu’une nouvelle édition augmentée est en préparation.)
2. Laying the Foundation Stone of the first Goetheanum dans le volume de Rudolf Grosse intitulé The Christmas Foundation : Beginning of a New Cosmic Age (non édité en français)