- de Claude Gendron
Le 26 avril dernier, 12 personnes se sont déplacées
à Cowansville sur le magnifique domaine acquis récemment par nos hôtes
Marie-Claire et Willem Joubert, des anthroposophes dotés d’une gentillesse et
d’une courtoisie remarquables. Le but : participer à une journée de
réflexion, de partage et d’échange sur l’Antéchrist de Vladimir Soloviev. Parmi les
lectures suggérées figurait le chapitre intitulé LE GRAND INQUISITEUR, tiré du roman LES FRÈRES KARAMASOV de Dostoievski.
Ce texte dresse le portrait d’un cardinal devenu
grand inquisiteur et qui se pose contre le Christ revenu en Espagne au XVIe
siècle. Après qu’Il ait ressuscité une
enfant, les gardes armés du grand inquisiteur s’emparent du Christ pour le
jeter en prison.
Au cœur de la nuit, le grand inquisiteur, qui a
reconnu le Christ vient le trouver pour lui dire que l’Église catholique allait se charger de faire le bonheur des
hommes. Que Lui avait échoué dans sa
mission! Que la liberté et l’amour annoncés par Lui et vécus par le glaive et
la division n’étaient pas viables pour l’humanité. Elle se comporte comme un enfant désirant être
conduit par la main. Durant le long réquisitoire,
qui illustre par plusieurs côtés les préjugés de la culture actuelle, le Christ
demeure silencieux. Les actes qu’Il a posés,
les paroles qu’Il a prononcées « au tournant des âges » condamnent irrévocablement
cette trahison du message christique. Malgré cela, le Christ regarde
l’inquisiteur avec amour et compassion.
Dans le texte de Soloviev se révèle une
individualité exceptionnelle qui, accompagnée du mage le plus puissant de
l’époque se pose en vrai sauveur de l’humanité.
Ce personnage narcissique et orgueilleux voit dans le Christ son
précurseur. Il se considère comme le
vrai libérateur, enfanté pour apporter le bonheur à l’humanité. Sur un signe de lui, le mage foudroie ceux
qui s’opposent à ses voies, y compris le dernier pape de l’église catholique
qui refuse de rejoindre ses rangs. Mais
à la fin, le Christ revient avec une armée constituée de tous ceux qui furent
sacrifiés afin d’éradiquer l’Antéchrist de l’humanité. Voilà très condensé, cette courte histoire racontée
par Soloviev.
La rencontre débuta par quelques chants conduits
par Arie van Ameringen. Ce qui permit de
réchauffer les cœurs. Après quoi, chacun
fut invité à partager les réflexions qui lui étaient venues à la suite des lectures
suggérées. Pour résumer très schématiquement les propos, nous pouvons
dire que les récits de l’Antéchrist de Soloviev et du Grand Inquisiteur de
Dostoïevski comportent un caractère à la fois contemporain et prophétique pour
l’avenir.
Prisonnière de ses cultures et de ses stéréotypes,
l’humanité actuelle se débat contre des certitudes constamment confrontées à leurs
remises en cause et à l’insatisfaction générale qui en découlent. Tant que
l’Homme ne saisit pas que son corps, sa science, sa culture, sa langue
n’appartiennent qu’à la terre et ne pourront jamais satisfaire les besoins de
son âme et de son esprit, il cherchera le bonheur éphémère que procure la
matière en se heurtant au miroir aux alouettes de mille formes illusoires.
Pour sauver son âme, l’art est un viatique précieux
et Jean Balékian nous en a fait une démonstration significative en nous
montrant et en faisant revivre devant nous les personnages du Groupe Sculpté
dont le Christ est la figure centrale.
En s’efforçant de nous hisser au niveau de notre moi spirituel, nous
pouvons rejoindre le Christ éthérique et ressentir comment, même dans le bois
sculpté du Groupe, il équilibre en
repoussant tout en retenant les puissances lucifériennes et ahrimaniennes à
l’œuvre en nous et dans le monde qui nous reflète. Quant aux Asuras, ces
Esprits de la Personnalité autrement désignés sous le nom d’Esprits de l’Égoïsme,
ils exacerbent et encouragent une sorte
de dévoiement de l’âme en exaltant, entre
autres l’expression de la sexualité. Et Soratd,
le démon solaire ou la bête à deux cornes de l’Apocalypse, bien que ne
paraissant pas dans le Groupe sculpté s’alimente de notre incompréhension et de
notre confusion à l’égard de ces êtres spirituels retardés que l’homme devra
rédimer à l’avenir.
La Pierre de Fondation est contenue dans la
structure trinitaire du Groupe. Notre vie est un chemin d’exercice, un atelier
où nous sculptons modestement, chacun pour soi, dans notre « atelier-sanctuaire
intérieur », la représentation du
Groupe à partir des forces de notre cœur.
Grâce au modèle du Groupe sculpté par R.Steiner et É.Maryon, chacun de
nous peut se tenir éveillé en extrayant copeau par copeau les faiblesses de « son
groupe ».
La science et ses réalisations grandioses, comme
les grands barrages et les tours à bureaux vertigineuses, masquent sous des
structures ingénieuses les forces abstraites, anguleuses et froides de
l’intelligence des êtres spirituels ahrimaniens. Aussi le crâne est-il le siège
de leur quartier général. En
contrepartie, l’exaltation enfiévrée des nationalismes dont l’impétuosité se mute
souvent en terrorisme et le fanatisme tumultueux où brille la lumière
aveuglante de tous les intégrismes sont livrés « au trou noir » des
puissances lucifériennes qui les aspirent dans une spirale ascendante infinie.
L’égo est conquis et le moi spirituel est ballotté violemment entre les
hauteurs et les profondeurs, comme une proie dont on s’arrache des lambeaux.
Jean Balékian a guidé notre œil afin qu’il perçoive
dans le geste du Christ qui repousse et
retient à la fois les puissances lucifériennes et ahrimaniennes, une
confluence qui vient s’épancher et s’équilibrer au niveau du cœur. Jean nous a fait contempler l’amour, la
compassion et les forces morales dont la figure centrale du Christ est
l’expression. Le dessin que nous avons
ensuite effectué est venu concrétiser l’interpénétration des forces de la
lumière et des ténèbres dont l’équilibre est la marque des œuvres universelles.
Après le dîner, Andrée Lanthier, par « quelques
paroles rendues visibles », nous a permis de nous recentrer et de recréer
l’unité entre nous. Un dernier exercice artistique de dessin consistant à
illustrer notre compréhension et notre sentiment au regard du Groupe sculpté a
permis de montrer l’unité malgré la diversité des formes. Arie enchaîna avec quelques précisions utiles
sur les sept formes majeures prises par les êtres ahrimaniens dans la matière et
Marie-Claire Joubert clôtura la rencontre en nous récitant le dernier verset de
la Pierre de Fondation.
Un commentaire final d’Andrée
Lanthier a pris la forme d’un appel lancé afin que ce travail sur les forces antichristiques
ne tombe pas dans une sorte de « vide cosmique ». Peut-être y aurait-il lieu ici d’envisager la
faisabilité de telles rencontres en en déterminant le lieu, la fréquence et le propos. Les inspirations de ceux et celles qui le
souhaitent pourraient être communiquées à Arie qui se chargera d’y donner suite.
Claude Gendron, Candiac 28 avril 2014
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