Friday, September 12, 2014

Vivre l’expérience des Drames-Mystères


- de Richard Chomko


Au mois d’août dernier, nous étions quelque 300 personnes venues de partout dans le monde à nous réunir à Spring Valley, dans l’état de New York, pour assister aux Drames-Mystères de Rudolf Steiner présentés en langue anglaise.

Le contingent canadien était composé de personnes de la Colombie-Britannique, de la Nouvelle-Écosse, du Québec, de l’Alberta et de l’Ontario. Nous étions même dix résidents de la maison Hesperus. On y retrouvait également des spectateurs venus d’Angleterre, d’Irlande, de la Nouvelle-Zélande et une douzaine d’individus qui avaient fait le voyage à partir de l’Australie, ce qui m’a fort impressionné.

Bien sûr, on aurait pu trouver un tas de raisons pour ne pas y aller : la maladie de Lyme qu’on disait répandue dans la région, des nouvelles assez inquiétantes qualifiant les États-Unis d’état policier, et puis les coûts élevés du voyage, des repas et de la chambre d’hôtel – à peu près 2000 $ par personne pour les 10 jours.

Quelques-uns ont pu économiser en couchant chez des amis, ou à Holder House, improvisant des repas à partir de provisions achetés à la coopérative d’alimentation ou bien ayant eu la chance d’avoir reçu leurs billets en cadeau. Pourtant, les coûts relativement élevés peuvent avoir contribué au fait qu’il y avait si peu de jeunes parmi les spectateurs. Il paraît cependant que les habitants de l’endroit avaient eu la possibilité d’assister aux répétitions générales.

Il va sans dire que la cuisine était excellente, et biologique, et que le congrès avait été très bien organisé. Et que dire des Drames eux-mêmes? Or, je pense qu’il fallait y assister en personne pour apprécier l’ambiance qui y régnait. D’un certain point de vue, c’était comme une réunion des anciens d’une école secondaire. En effet, on y retrouvait des amis que l’on n’avait pas vus depuis belle lurette, des amis qui s’étaient assagis avec l’âge! Et, à l’instar d’une rencontre de l’École de Michaël, presque tous étaient impliqués sérieusement dans l’un ou l’autre domaine du travail anthroposophique.

Préparer la sixième époque
Lori Scotchko, une étudiante en eurythmie originaire de Thornhill, qui suit sa formation à Spring Valley cette année et qui a participé comme ouvreuse et sonneur de cloches, m’a raconté que presque tous les habitants de la communauté de Spring Valley étaient impliqués d’une façon ou d’une autre dans la réalisation de cette production des Drames-Mystères.

Très tôt au cours du congrès, on nous a expliqué combien le public d’une représentation théâtrale, et en particulier d’une représentation des Drames-Mystères, joue un rôle essentiel pour réaliser la dimension communautaire de l’art de la scène. On avait la nette impression que ce public était en mesure d’établir une profonde communion avec les acteurs et les drames eux-mêmes bien que, à la différence de ce qui se vit à Dornach, les spectateurs ont ri de temps à autre à des répliques que Rudolf Steiner n’a probablement pas conçues comme étant drôles!

Les rôles principaux de Johannes et Maria ont été interprétés de manière convaincante par Glen Williamson et Laurie Portocarrero. Beaucoup d’entre nous connaissaient déjà Glen pour l’avoir beaucoup apprécié lors de ses multiples représentations, seul ou accompagné, données ici à Toronto au cours des années. Laurie, qui donne des cours de formation théâtrale à Spring-Valley, avait à l’occasion fait partie de ces représentations avec Glen. Un autre acteur professionnel, Matthew Dexter, était venu d’Angleterre pour incarner le rôle de Capésius.

Un grand nombre d’eurythmistes et d’artistes de la parole ont aussi participé à la production. En tant que spectateur, je ne peux pas imaginer comment la représentation aurait pu réussir si les rôles de Lucifer, d’Ahriman et des trois forces de l’âme : Philia, Astrid et Luna, n’avaient pas été interprétés sur scène par des eurythmistes pendant que leurs répliques étaient données par des artistes de la parole à partir du balcon. Une musique de scène jouée par des lyres, des cloches, des gongs et un petit ensemble de cordes a servi à rehausser l’expérience théâtrale.

Il n’est pas facile d’exprimer en paroles l’expérience d’assister à une représentation des Drames-Mystères. On a nettement l’impression d’être touché d’une manière qui dépasse de loin les limites du théâtre traditionnel. Par conséquent, alors que la prestation de bien des acteurs principaux était brillante et celle de certains acteurs qui tenaient des rôles secondaires un peu moins, l’effet artistique qui se dégageait de l’ensemble a été infiniment plus grand que la somme de ses éléments constituants.

Il va sans dire que dans un congrès de neuf jours où on jouait quatre drames seulement, et malgré le fait que chaque drame pouvait durer une bonne partie de la journée, il y avait énormément d’autres activités. L’art de la parole en grands et petits groupes, l’eurythmie en petit groupe, les groupes d’échange et les espaces de discussion libres ont tous fourni un complément heureux aux heures que l’on passait assis dans l’obscurité d’une salle de théâtre.  

Les espaces de discussion libre accueillaient des thèmes proposés par les participants eux-mêmes. J’ai été agréablement surpris de voir que quatre personnes se sont rendues à l’espace de discussion libre que j’avais moi-même proposé sur le thème : Strader et l’avenir de la technologie occulte.

Comprendre Rudolf Steiner
Il est évident que les conférences sur les drames eux-mêmes et sur les personnages ont constitué un des éléments essentiels du congrès. Lorsque dans les années 90 j’avais assisté à une représentation de l’Éveil des Âmes dans la production de Marke Levine qui était à l’époque en tournée à travers l’Amérique du Nord, une grande partie de la signification de ce qui se passait sur la scène m’a échappé parce qu’il me manquait la compréhension préparatoire que ces conférences ont fournie.

Daniel Hafner, prêtre de la Communauté des Chrétiens pratiquant actuellement à Nuremberg, a donné une série de conférences d’introduction sur les quatre drames. Je connais Daniel depuis le temps qu’il travaillait comme prêtre à Toronto, et ai appris à estimer son style d’érudition anthroposophique. Durant la semaine précédant le congrès, Daniel avait donné deux conférences et animé un atelier à Toronto, événements auxquels j’ai tenu absolument à assister.  

Une chose que Daniel a très bien expliquée, c’est que Steiner s’est inspiré de personnes qu’il avait réellement connues dans la vie ou qu’il avait étudiées en esprit pour créer les personnages principaux des drames. Capésius, par exemple, représente Karl Julius Schroer, qui avait été un des professeurs de Rudolf Steiner et était celui qui avait redécouvert les Jeux de Noël d’Oberufer.

Il y a eu également des causeries fascinantes et instructives d’autres conférenciers sur quelques-uns des personnages principaux des drames tels que Capésius, Maria et Strader.

Activités parascolaires
Nous devons avouer que nous avons manqué une des conférences de Daniel, celle du vendredi soir, pour rendre visite à nos fils à New York. Chez Jonathan, à Brooklyn, nous avons connu un de ses amis, originaire d’Édimbourg. Celui-ci parlait de la génération qui a atteint la majorité après l’événement du 11 septembre, expliquant qu’on l’appelle la « Homeland generation ». Il a expliqué également comment Édimbourg était un endroit du globe où le voile qui sépare les mondes est très mince, et a raconté comment les conversations familiales chez lui laissaient souvent sa petite amie interloquée. Car il paraît que ses frères et sœurs sont tous philosophes ou théoriciens médiatiques et que lors des réunions de famille des mots très recherchés fusent de partout. Il connaissaît naturellement le mouvement Waldorf et nos discussions sur les Drames-Mystères ne lui semblaient pas le moindrement étranges.

Et pour faire suite à l’événement
La metteuse en scène, Barbara Renold, a répété plusieurs fois au cours du congrès que d’après elle le congrès n’aurait pas atteint son objectif s’il ne donnait pas une impulsion en vue d’un travail continu sur les drames. Je suis sûr qu’elle sera heureuse d’apprendre que Tim Nadelle a relevé le défi, prenant sur lui l’initiative de fonder un groupe ici à Toronto pour travailler en vue de monter, d’abord quelques tableaux, et éventuellement, d’ici deux ou trois ans, tout le premier Drame sur scène. La première rencontre de ce groupe se tiendra le 20 septembre de 14 h à 17 h dans les locaux de Hesperus. Barbara offrira de son côté un atelier en ligne sur les Drames-Mystères à partir de l’automne, et visitera plusieurs centres pour susciter de l’intérêt pour ce travail.

Glen Williamson et Laurie Portocarrero entreprendront à partir de l’automne une tournée pour présenter leur spectacle en duo portant le titre : The Mystery Journey of Johannes and Maria -- Highlights from Rudolf Steiner's Four Mystery Dramas. Il y aura une représentation du spectacle à la salle Novalis dans la région de Barrie le 2 novembre à 14 h 30.

Marke Levene, celui qui nous a présenté L’Éveil des Âmes dans les années 90, a annoncé son projet de monter une pièce qui fait suite aux 4 Drames-Mystères, que l’on est actuellement en train d’écrire, et d’amener la production en tournée. Marke prétend former une nouvelle compagnie théâtrale, dans un lieu qui reste à être déterminé, pour monter et amener en tournée non seulement cette suite des Drames-Mystères, mais également un spectacle d’eurythmie avec orchestre ainsi qu’un drame de Shakespeare. On peut trouver de plus amples renseignements sur ce projet en visitant le : www.workingofthespirit.com.

Comme nous l’avaient demandé les organisateurs de l’événement, nous sommes restés pour assister à la cérémonie de fermeture, ce qui a fait que nous n’avons pu lever l’ancre avant 14 h 30 le dimanche après-midi. Nous avions quand même l’espoir d’arriver chez nous vers minuit. Hélas, une attente d’une heure à la frontière et un retard supplémentaire d’une heure et demie dû aux multiples chantiers de construction le long de l’autoroute ont repoussé notre arrivée jusqu’à 3 heures du matin. Comme dirait l’autre, au Canada nous avons deux saisons : l’hiver et la construction.

Le lendemain, comme je ne me sentais pas très bien, je suis descendu voir le docteur McAlister pour voir si je n’avais pas attrapé la maladie de Lyme. Lorsque je lui ai dit où j’avais été, Kenneth m’a raconté que lui-même avait tenu les rôles du juif et de Strader dans une des premières productions des Drames-Mystères sous la direction de Hans Pusch à Spring Valley dans les années 70. 



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